AUTEURS ET AUTEURES
Christoph W. Bauer
Peter Bichsel
Chirikure Chirikure
Olga Grjasnowa
Sabine Gruber
Franz Hohler
Oleg Jurjew
Navid Kermani
Nicole Krauss
Jürg Laederach
Hervé Le Tellier
Sibylle Lewitscharoff
Douna Loup
Eva Mattes
Anthony McCarten
Abdelwahab Meddeb
Kerstin Preiwuß
Ursula Timea Rossel
Franz Schuh
Monique Schwitter
Girgis Shoukry
Christoph Simon
Edward St. Aubyn
Ilija Trojanow
Chika Unigwe
Florian Vetsch
Liao Yiwu
Christoph W. Bauer
Poésie et culture punk, Catulle et pop allemande. C’est entre ces pôles en apparence contradictoires que Christophe W. Bauer ouvre le champ à son cycle poétique, intitulé mein lieben mein hassen mein mittendrin du. En 37 poèmes, il fait vivre à son je lyrique toutes les phases d’un beau, d’un triste, d’un enchanteur amour. La première rencontre, la découverte curieuse, l’envie, l’euphorie, la routine et les failles qui se creusent jusqu’à la séparation dans la haine – telles sont les étapes que le poète romain Catulle retrace déjà dans son œuvre universelle «Odi et amo» (Je déteste et j’aime). Bauer se confronte à la tradition, la détourne, joue avec les masques littéraires. Il relie sans peine des mondes éloignés, renvoie aussi bien à la tradition de la poésie antique qu’au ton léger et moderne de la pop culture, et change subtilement d’ambiance et de ton. Avec fraîcheur, insolence et une honnêteté pleine d’autodérision, il raconte ainsi une histoire d’amour, au travers de poèmes s’inscrivant dans l’air du temps tout en s’en distanciant.
La poésie est dépendante d’un regard personnel, d’une langue individuelle, d’une dérogation. En ce sens, Christoph W. Bauer, né en Autriche en 1968, correspond bel et bien à l’image qu’on peut se faire d’un poète. Bûcheur discret, il laisse germer en silence une œuvre fantastique de son écriture intempestive.
getaktet in herzstärkender fremde. Poèmes. Haymon Verlag 2012
mein lieben mein hassen mein mittendrin du. Poèmes. Haymon Verlag 2011
Peter Bichsel
Depuis près de cinquante ans, Peter Bichsel réussit de manière étonnante et remarquable ce qui est probablement le souhait de tout écrivain: être lu non seulement par les grands lecteurs, mais aussi par ceux qui lisent peu. Peter Bichsel est peut-être le seul écrivain suisse-allemand dont chaque suisse-allemand a déjà entendu parler. Ne serait-ce que grâce à ses nouvelles, volontiers lues dans les écoles, il est sans doute le plus connu des auteurs suisses encore vivants.
Peter Bichsel est né en 1935. Fils d’ouvrier, il grandit à Lucerne et à Olten. Après une formation d’enseignant d’école primaire, il exerce ce métier jusqu’en 1968. De 1974 à 1981, Bichsel est le conseiller personnel de Willy Ritschard, alors conseiller fédéral. Entre 1972 et 1989, il séjourne à plusieurs reprises comme «Writer in Residence» et comme professeur invité dans des universités américaines.
À l’origine de ses subtiles polémiques, il y a la souffrance d’une grande déception personnelle: celle que le rêve du libéralisme ne se soit pas réalisé en Suisse, et que tout soit resté «inchangé» dans une société dominée par la «relativité des relations».
Peter Bichsel raconte, réfléchit, se souvient, donne son avis, observe et commente. Dans ses chroniques, qui ne sont ni plus ni moins que des petits récits, c’est notre quotidien qui nous est raconté, vivant et coloré. Ses textes nous enseignent qu’il y a dans la banalité de la vie quelque chose qui peut peut-être encore lui donner du sens: le partage par les mots.
La couleur isabelle. Choix de textes. Traduit par Ursula Gaillard. Ed. d’en bas 2012
Chérubin Hammer et chérubin Hammer. Traduit par J.-P. Mathieu. Editions Demoures 2001
A la ville de Paris. Histoires, Traduit par Ursula Gaillard et Gilbert Musy. Ed. d'En Bas 1996
Le laitier. Nouvelles. Traduit par Robert Rovini. Gallimard (1967) 1992
Das ist schnell gesagt. Auswahl aus seinem erzählerischen und essayistischen Werk. Suhrkamp Verlag 2011
Transsibirische Geschichten. Audio-CD. Verlag Der gesunde Menschenversand 2010
Über Gott und die Welt. Schriften zu Religion. Suhrkamp Verlag 2009
Chirikure Chirikure
Chirikure Chirikure, né en 1963, est le poète performer le plus connu d’Afrique. La particularité et l’intérêt de sa poésie résident dans une combinaison exceptionnelle entre poèmes et chants traditionnels africains d’une part, et principes d’avant-garde de l’autre. Des raisons politiques ont contraint plusieurs fois Chirikure à s’exiler. Cela ne l’a bien heureusement pas empêché d’être primé écrivain de l’année au Zimbabwe pour plusieurs de ses recueils de poèmes. L’artiste est réputé pour ses critiques virulentes de l’élite politique corrompue, ainsi que comme avocat des pauvres gens. Malgré la misère matérielle, il existe au Zimbabwe, et tout particulièrement à Harare, une scène culturelle très vivante, au sein de laquelle les artistes entretiennent un échange transdisciplinaire fécond. Chirikure allie dans son travail la poésie, la musique et le théâtre; et son originalité est de concilier la diversité stylistique de la tradition orale avec la culture de l’écrit.
Il a grandi dans un contexte de grande polarisation des races et de guerre civile, thèmes qui jouent un rôle très important dans ses publications. Sa poésie allie de manière conséquente des thématiques actuelles et non-mythologiques, et ses poèmes sont si connus dans son pays qu’on peut les retrouver en graffitis sur les murs des maisons de la capitale. Quant à ses performances scéniques, leur renommée dépasse les frontières du continent africain.
Aussicht auf eigene Schatten. Edition trilingue, allemand-anglais-shona avec CD. Traduit par Sylvia Geist. Wunderhorn Verlag 2011
Olga Grjasnowa
Olga Grjasnowa est née en 1984 dans une famille juive à Baku, en Azerbaïdjan. En 1996, elle émigre avec les siens en Allemagne pour fuir le régime politique. Elle a étudié à l’Institut littéraire de Leipzig, parle couramment trois langues et étudie actuellement les arts de la danse à Berlin.
Son premier roman, Der Russe ist einer, der Birken liebt, compte parmi les livres qui ne restent pas longtemps inconnus, et que tout le monde commence tout d’un coup à évoquer, à lire et à louanger.
Le personnage principal du roman s’appelle Mascha, et Mascha est jeune et indépendante. Elle est Azerbaïdjanaise, juive, et au besoin, également Turque et Française. Immigrée, elle a fait très tôt l’expérience de ne pas réussir à s’exprimer; à présent, elle parle cinq langues couramment et en baragouine quelques autres, «comme des touristes qui s’essaient à l’allemand». Elle est en train d’amorcer une carrière à l’UNO lorsque son ami, Elias, tombe gravement malade. Désespérée, elle s’enfuit alors en Israël, avant d’être finalement rattrapée par son propre passé. Dans un équilibre parfait entre tragique et comique, et avec un remarquable sens de l’essentiel, Olga Grjasnowa raconte l’histoire d’une génération qui ne connaît pas de frontières, mais qui n’a pas non plus de patrie.
L’hedomadaire Die Zeit résumait ainsi le succès de ce roman: «Olga Grjasnowa touche au nerf de sa génération. Cela faisait longtemps qu’un premier roman en Allemagne n’avait été aussi contemporain et singulier.»
Der Russe ist einer, der Birken liebt. Roman. Hanser 2012
Sabine Gruber
Il n’est pas facile de grandir au Tyrol du sud dans les années soixante. Les cultures germanophone et italophone y vivent divisées, et les fronts politiques s’affrontent des deux côtés. En réaction à la politique fasciste d’italianisation initiée dans les années vingt, le parti germanophone au pouvoir s’engage pour un apartheid entre les groupes «allemands» et les italiens. C’est dans cette atmosphère qu’est née en 1963 Sabine Gruber.
On en apprend rarement autant sur les conflits de l’histoire germano-austro-italienne que dans le dernier roman de Gruber, Stillbach oder die Sehnsucht. L’auteure y relie avec habileté les histoires de vie et de famille de plusieurs femmes vivant entre le Tyrol du sud, Rome et Vienne. Il y a l’histoire d’Inès, femme de chambre; et celle de son ancienne patronne, Emma Manente, qui des décennies avant elle avait quitté Stillbach pour chercher son bonheur à Rome. Les jeunes travailleuses germanophones originaires des villages de Tyrole du sud étaient alors très demandées dans les familles romaines, et tout particulièrement dans la gastronomie. Elles étaient réputées zélées, et idéales pour le service des touristes germanophones. Dans l’entre-deux-guerres et jusque dans les années septante, beaucoup gagnaient ainsi leur vie, durant l’été ou toute l’année, comme gouvernante, servante ou femme de chambre – espérant par là trouver une vie meilleure que celle qui les attendait au Tyrol du sud.
Sabine Gruber mélange avec une grande maîtrise les faits et la fiction. Au point que la FAZ déclarait: «Sabine Gruber est, après Elfriede Jelinek et Marlene Streeruwitz, l’un des talents les plus importants de cette génération d’auteurs en Autriche».
Stillbach oder die Sehnsucht. Roman. Beck Verlag 2011
Über Nacht. Roman. Beck Verlag 2007
Die Zumutung. Roman. Beck Verlag 2003
Franz Hohler
Franz Hohler est né en 1943 à Bienne et il vit aujourd’hui à Zurich. Il est considéré comme l’un des conteurs les plus importants de Suisse.
Savons-nous au juste où nous vivons? À quoi ressemblent les rues que nous parcourons chaque jour? Connaissons-nous la sensation du printemps au bord du fleuve? Les promenades de Franz Hohler nous donnent une idée de toutes les richesses qu’il reste à découvrir dans notre environnement le plus proche – les beautés, les curiosités, ou absurdités aussi. Franz Hohler s’est promené une fois par semaine durant une année, en prenant soin de choisir chaque semaine un autre itinéraire. Tout ce qu’il a vu durant ces promenades, rencontré d’intéressant, de surprenant, est consigné dans le recueil Spaziergänge (Promenades). Ces courts récits sont une école d’observation, d’attention, et peu à peu surgit le sentiment de ce qu’est ou pourrait être le «chez soi» aujourd’hui. Ces textes enseignent la véritable perception des choses pour transformer ses lecteurs en connaisseur de ce que nous pensions pourtant déjà connaître – notre quotidien.
L’écrivain Urs Widmer soulignait le rapport de Hohler à la réalité – ainsi que son humour. Selon lui, le plus grand talent de Hohler, serait de «regarder la réalité bien en face (...) et de rester cependant joyeux.» Franz Hohler est un poète philanthrope, dont les textes transforment le monde. Des expériences en apparence aléatoires de la promenade naît le sens, qui nous accompagne jusque dans le quotidien. Franz Hohler reste cependant un agitateur, qui, avec ses histoires drôles, intelligentes, absurdes, touchantes et tristes, nous fait perdre depuis des années l’équilibre normé et banal de notre quotidien.
Le déluge de pierre. Traduit Christian Viredaz. Editions d'en bas 2003
Spaziergänge. Erzählungen. Luchterhand 2012
Der Stein. Erzählungen. Luchterhand 2011
Das Kurze. Das Einfache. Das Kindliche. Ein Gedankenbuch. Luchterhand, 2010
Oleg Jurjew
Les romans de Oleg Jurjew sont des œuvres somptueuses de puissance langagière et de tendresse. Poète acclamé dans son pays, ses poèmes n’avaient encore jamais été traduits en allemand. Le recueil In zwei Spiegeln (Dans deux miroirs), publié cette année, rassemble des poèmes des trente dernières années et comble ainsi un grand vide éditorial. Il donne à voir et à saisir l’analyse que l’auteur fait du monde, entre amertume et ironie, entre quotidien et sublime, ainsi que différentes étapes de vie à Leningrad et à Francfort.
Oleg Jurjew est né en 1959 à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg). En 1990, il se rend à Berlin pour une tournée de lectures. Une année plus tard, lui et sa femme, la poète, éditrice et traductrice Olga Martynova, déménagent de Saint-Pétersbourg à Francfort, où ils sont aujourd’hui établis. Le couple voulait attendre de voir comment la situation en Russie évoluerait; cela fait maintenant vingt ans qu’il vit en Allemagne. Oleg Jurjew se considère autant comme un écrivain allemand que russe. «La vie dans une autre culture, au milieu d’un autre peuple, est très bénéfique pour comprendre qu’il n’y a pas une seule vérité qui régit le monde, déclare Oleg Jurjew; cela place dans une situation singulière permettant de voir les choses de multiples façons.»
Lorsque Jurjew est arrivé en Allemagne, il était déjà connu sur la scène littéraire comme poète dissident et dramaturge. Presque tous ses travaux ont un rapport avec le judaïsme, la culture et l’histoire russe, et sont des règlements de compte avec l’ex-régime soviétique ou des réflexions critiques sur les premières années de la nouvelle époque.
In zwei Spiegeln. Gedichte. Russisch – Deutsch. Aus dem Russischen von Elke Erb, Gregor Laschen und Olga Martynova und Daniel Jurjew. Jung und Jung Verlag 2012.
Zwischen den Tischen. Olga Martynova und Oleg Jurjew im essayistischen Dialog. Bernstein-Verlag 2011
Die russische Fracht. Hörbuch. Gelesen von Harry Rowohlt. Kein & Aber. Zürich 2011
Navid Kermani
Navid Kermani est né en 1967 à Siegen, en Allemagne, de parents iraniens et possède la double nationalité germano-iranienne. Après des études de langues orientales, de philosophie et d’arts de la scène à Cologne, à Bonne et au Caire, il devient docteur en langues orientales. Jusqu’en 2003, il a été Long Term Fellow au Collège scientifique de Berlin. Il vit maintenant à Cologne en tant qu’auteur indépendant.
Son travail littéraire tourne toujours autour d’expériences-limites, que ce soit vis-à-vis de la mort ou du quotidien, de l’expérimentation de la musique ou de la sexualité. Ses principaux intérêts scientifiques sont le Coran et la mystique islamique. Kermani est en outre membre de l’Académie allemande pour la langue et la littérature, et il a été membre de la «Conférence islamique» d’Allemagne.
Kermani a commencé à écrire «Dein Name», son dernier-paru, le 8 juin 2006, amorçant par-là l’un des projets les plus originaux de notre époque. Entre ce 8 juin 2006 à 11h23 et le 11 juin 2011 à 10h15, il notera tout, mais vraiment tout de ce qui se passe, de ce qu’il fait et ce qu’il pense; le présent et le passé de sa famille, les souvenirs de ses vieux amis, ou les lectures captivantes de Hölderlin et de Jean Paul. L’histoire de son grand-père, qui quitta le Proche-Orient pour l’Allemagne, est au cœur du roman; et en filigrane se glisse sans cesse le moment décisif, le moment de l’écriture. Josef Hanimann, de la Süddeutsche Zeitung, recommandait ce pavé de 1200 pages en ces mots: «Il faudrait lire ce livre comme un journal, à l’endroit, à l’envers, des bribes, en grignotant, avec une grande gourmandise.»
Dein Name. Roman. Hanser 2011
Kurzmitteilung. Roman. Ammann 2007
Wer ist Wir? Deutschland und seine Muslime. C.H. Beck 2009
Nicole Krauss
Nicole Krauss, née en 1974 à New-York, a étudié la littérature à Stanford et à Oxford, ainsi que l’histoire de l’art à Londres. Elle commence par écrire des poèmes et publie en 2002 son premier roman, Man walks into a Room. Elle vit à New York avec son mari, l’écrivain Jonathan Safran Foer, et leurs deux enfants. Ses livres sont traduits dans plus de 35 langues.
Dans chacun de ses livres, Nicole Krauss s’attache à décrire les réactions de ses personnages aux petites et aux grosses catastrophes auxquelles elle les expose. Dans son dernier roman, traduit en français sous le titre La grande maison, c’est un bureau qui sert de pivot aux quatre trames complexes de l’histoire. Ce bureau est un cadeau fait à une jeune auteure par un Chilien décédé sous la torture au temps de la dictature de Pinochet. Le titre du roman se réfère quant à lui au mythe fondateur de la diaspora juive: «Aujourd’hui, explique l’un des personnages de Nicole Krauss, chaque âme juive est construite autour de la maison qui a brûlé, une maison si grande que chacun d’entre nous ne peut s’en souvenir que par minuscules bribes.... Mais si nous pouvions rassembler tous les souvenirs des Juifs (...), nous pourrions reconstruire la maison.»
Dans un questionnaire accompagnant une anthologie du New Yorker, qui avait sélectionné Nicole Krauss parmi les 20 meilleurs écrivains de moins de 40 ans, il était demandé à l’auteure de définir un texte de fiction par rapport aux autres genres littéraires. Il se distingue par «son aptitude à nous rappeler à nous-mêmes, répondait Krauss, à nous rappeler qui nous sommes au fond, et à nous offrir en même temps une certaine révélation». À propos de son écriture, dans un interview de la FAZ, elle déclarait en outre : «Quelle forme prendra la maison à travers l’écriture? Voilà ce qu’est pour moi écrire – construire quelque chose qui deviendra mon chez-moi».
La grande maison. Traduit de Paule Guivarch. Éditions de l'Olivier 2011 [éd. originale: «Great House», 2010]
L'Histoire de l'amour. Traduit de Bernard Hoepffner et Catherine Goffaux. Gallimard, coll. «Du monde entier» 2006 [éd. originale: «The History of Love», 2005]
Das grosse Haus. Roman. Traduit de l’américain par Grete Osterwald. Rowohlt Verlag 2011
Die Geschichte der Liebe. Traduit de l’américain par Grete Osterwald. Rowohlt Verlag 2005
Kommt ein Mann ins Zimmer. Roman. Traduit de l’américain par Grete Osterwald. Rowohlt Verlag 2006 (édition originale: 2002)
Hervé Le Tellier
Hervé Le Tellier est né en 1957 à Paris, où il vit encore aujourd’hui. Il a publié de nombreux livres très originaux, qu’il s’agisse de romans, de nouvelles, de poèmes ou encore de chroniques. Le Tellier, linguiste de formation, est un auteur du «multiple» et de la «petite forme» (fables, nouvelles ou romans courts), genres qu’il aime à explorer ou à réinventer. Il travaille également en tant que chroniqueur pour l’édition Internet du journal Le Monde.
Assez parlé d’amour est le premier livre de Hervé Le Tellier a avoir été traduit en allemand. Au cours d’un été, la vie amoureuse de deux couples se voit vivifiée grâce à deux amants. La question de ce qu’on est prêt à mettre en jeu pour un nouvel amour est ainsi posée, avec élégance, humour et légèreté. À propos de ses héros, Hervé Le Tellier déclare: «J’ai un rapport très intime avec mes six personnages, les maris, les femmes et les amants. Tous sont attachants et méritent d’être aimés, mais tous ne savent pas aimer.»
Son nouveau roman, Electrico W, en cours de traduction vers l’allemand, est certes moins enjoué et plus sombre, mais l’auteur y accomplit une magnifique parabole entre l’art et la vie, prenant pour cadre la grande ville de Lisbonne.
Depuis 1992, Le Tellier est membre du groupe littéraire OuLiPo, acronyme d’ «Ouvroir de Littérature Potentielle». Le but de l’OuLiPo est d’élargir la langue à l’aide de contraintes. Georges Perec, célèbre membre de ce cercle littéraire, a écrit ainsi en 1969 La Disparition, un roman dans lequel n’apparaît aucun «e».
Electrico W. Roman. Éditions Jean-Claude Lattès 2011
Assez parlé d’amour. Roman. Éditions Jean-Claude Lattès 2009
L’Herbier des villes. Objets sauvés du néant, haïkus et collages. Éditions Textuel 2010
Les Opossums célèbres. Poésie curieuse, mots-valises. Dessins de Xavier Gorce.Le Castor Astral 2007
Avec l’Oulipo
Bis auf die Knochen. Das Kochbuch, das jeder braucht. Herausgegeben von Jürgen Ritte. Arche Verlag 2009
Affensprache. Spielmaschinen und allgemeine Regelwerke. Plasma 1997
Sibylle Lewitscharoff
C’est déjà la quatrième fois que Sibylle Lewitscharoff, née en 1954 à Stuttgart, fait le voyage pour le Festival de littérature de Loèche-les-Bains. L’auteure nourrit d’ailleurs une relation étroite avec le Valais depuis qu’elle s’est vue décerner en 2009 le Prix Spycher, qui propose aux lauréats une résidence de cinq ans dans la région.
Sibylle Lewitscharoff, qui a étudié les sciences des religions et travaille aujourd’hui comme comptable dans une agence publicitaire à Berlin, a commencé sa carrière littéraire en écrivant des émissions et des pièces radiophoniques. Sa carrière décolle vraiment lorsqu’elle gagne en 1998 le Prix Ingeborg Bachmann pour son roman Pong. Son œuvre littéraire et ses essais dévoilent d’elle un rare sens de l’humour et un goût prononcé pour la diversité. Apostoloff, roman paru en 2009, l’auteure traitait des racines bulgares de l’auteure – son père est en effet originaire de Bulgarie – dans une logorrhée noire et grinçante.
Dans son dernier roman Blumenberg, Lewitscharoff élit pour personnage principal le philosophe Hans Blumenberg, décédé en 1996 à Münster. Une nuit, un lion apparaît à Blumenberg et ne cesse dès lors de reparaître jusqu’à devenir son compagnon fidèle et attentionné, mais invisible aux autres gens. La puissance des métaphores et des images était un thème cher à Blumenberg, qui s’était tout particulièrement intéressé au roi des félins. Ce n’est donc pas un hasard si Sybille Lewitscharoff a décidé de le flanquer d’un lion docile – comme celui qui tenait compagnie à Saint-Jérôme durant sa traduction de la bible –, et son Blumenberg s’en explique ainsi: «le lion est venu à moi parce que je suis le dernier philosophe qui sache lui rendre honneur.»
Ijoma Mangold, dans l’hebdomadaire Die Zeit, concluait sa critique avec ce constat: «Nous n’avons pas de réponses. Ne ne pouvons pas même nommer les questions que soulève ce roman. Nous ne savons qu’une chose: qu’une vie sans lion est une vie misérable.»
Harald le courtois. Traduit de l’allemand par Anne Weber. Seuil 2002.
Blumenberg. Roman. Suhrkamp 2011
Apostoloff. Roman. Suhrkamp 2009
Consommatus. Roman. DVA 2006
Montgomery. Roman. DVA 2003
Douna Loup
Douna Loup est née en 1982 à Genève et a grandi en France. Elle fait des études d’ethnomédecine et d’aromathérapie, qu’elle achève avec un travail sur la médecine traditionnelle au Sénégal. Elle co-écrit, avec le requérant d’asile Gabriel Nganga Nseka, le récit de vie de celui-ci: Mopaya. Récit d’une traversée du Congo à la Suisse, publié en 2010. Elle écrit en outre plusieurs pièces de théâtre.
Dans son premier roman, L’embrasure, paru en 2010 aux éditions Mercure de France et tout récemment traduit en allemand, le narrateur, un jeune homme dont le lecteur n’apprendra jamais le nom, passe ses journées devant le tapis roulant d’une usine. Sa seule passion est la chasse. Là, le jeune narrateur peut se libérer et s’abandonner, là ne sévissent plus que les lois de la nature. S’il n’est pas contre quelques histoires de plumard sans lendemain, il ne veut surtout pas qu’une femme pénètre sérieusement dans sa vie. Orphelin, élevé par ses grands-parents, il n’entretient de véritable relation qu’avec son grand-père, qui lui a appris à chasser. Un jour, alors qu’il chasse silencieusement, il tombe sur un mort dans la forêt. Cette découverte bouleverse son quotidien bien réglé, et l’arrivée impromptue d’une jeune femme dans sa vie et son appartement le chamboulera encore davantage. Se dessine alors l’histoire de deux êtres égarés, reprenant peu à peu pied dans la vie.
Douna Loup se glisse avec une étonnante facilité dans la peau de son narrateur masculin, dont la vision quelque peu étroite du monde est de plus en plus ébranlée.
Les échos dans la presse sont extrêmement positifs et unanimes, et la NZZ n’est pas la seule à voir, dans L’embrasure, «un premier roman exceptionnellement mûr, tout à la fois contemporain et intemporel.»
L’embrasure. Roman. Mercure de France 2010
Jürg Laederach
«Die Löwen entlöwen sich» (Les lions se délionnent). C’est par ces mots de Robert Walser que Jürg Laederach, né à Bâle en 1945, a commencé, il y a trente ans de cela, sa carrière de conteur. Cette phrase indique bien ce qu’est l’œuvre de cet important, mais méconnu, écrivain et traducteur suisse. Avec son style cassant, il fait partie des quelques auteurs helvétiques capables de maîtriser avec élégance, et comme en passant, les multiples aspects de l’humour. Ses textes sont parsemés de jeux de mots, de piques, d’allusions ironiques, qui forment comme l’écho des phrases principales. Sa réflexion rapide et son talent, bâti sur de nombreuses lectures et sur un solide savoir, pour rassembler en un geste les choses les plus divergentes dans une seule phrase, conduisent irrésistiblement vers le comique. L’humour se nourrit de l’éclair, le temps qu’il faut pour bâtir un pont entre les mondes les plus éloignés qu’il soit.
Le nouveau recueil de nouvelles de Jürg Laederach est rempli d’humour, de drôlerie, de satire; bref, il est infiniment divertissant. De la littérature de haute voltige qui – pour le plus grand plaisir du lecteur – manque parfois de peu de s’écraser avec fracas sur le sol. Habituellement, le héros circule dans un décor préalablement posé: Harmful, le protagoniste du recueil, commence quant à lui par agir, et ce sont ses actes alors qui, petit à petit, créent le décor. Et, bien que son imagination les précède, les lieux une fois créés la soumettent immédiatement. Harmful n’est pas le héros absolu qu’il souhaiterait être, et même les enfers ne sont pas ce qu’ils prétendent être. Le livre est un ouvreur de possibles. Jusqu’au point où tout déraille dans l’horreur, là où le personnage lui-même échappe à la personnalité.
Harmfuls Hölle: in dreizehn Episoden. Suhrkamp Verlag 2011
Depeschen nach Mailand. Herausgegeben von Michel Mettler. Suhrkamp Verlag 2009
In Hackensack – Vier minimale Stücke. Urs Engeler Editor 2003
Traductions notamment de: Maurice Blanchot et Walter Abish. Urs Engeler Editor 2002 – 2006
Eva Mattes
Eva Mattes était déjà présente en 2008 au Festival de Loèche-les bains. Elle avait alors prêté sa voix germanophone aux auteures Zeruya Shalev et Cécile Wajsbrot. Cette année, elle présentera sa propre autobiographie, intitulée Wir können nicht alle wie Berta sein (Nous pouvons pas toutes/tous être comme Berta).
Dans les années soixantes-dix et quatre-vingt, Eva Mattes pouvait en revanche se targuer d’être l’actrice culte de nombreux films d’auteurs, et l’une des comédiennes les plus importantes des scènes germanophones. Mattes a collaboré avec les plus grands réalisateurs et metteurs en scène (Verhoeven, Reinhard Hauff, Rainer Werner Fassbinder, Werner Herzog ou Peter Zadek), et les rôles provocants qu’elle a tour à tour incarné ont toujours suscité beaucoup d’attention. Eva Mattes est l’une des comédiennes allemandes les plus intenses: à l’écran comme sur scène, elle éblouit par sa présence à la fois vigoureuse et sensible.
Dans ses mémoires, la comédienne, qui n’a jamais fréquenté d’école de théâtre, ne revient pas seulement sur ses succès et sur ses échecs professionnels, mais elle évoque aussi les difficultés qu’elle a eues à surmonter dans sa vie privée. Le résultat est un mélange entre un livre très personnel, poétique, empreint d’émotion, et un intéressant parcours de l’histoire du théâtre et du cinéma allemand des années soixante à nos jours.
Cette touchante histoire de vie donne un aperçu de l’existence pleine de péripéties d’une femme forte et sympathique qui cherche, à travers chaque rôle, à se trouver elle-même.
Le titre de l’ouvrage renvoie à un drame de Henrik Ibsen, Le canard sauvage, (Vilanden, en norvégien). Berta est un personnage fictif, qui devient le symbole de quelqu’un qui a réussi sa vie.
Wir können nicht alle wie Berta sein. Mémoires. Ullstein Verlag 2011
Anthony McCarten
Anthony McCarten, né en 1961 à Plymouth en Nouvelle-Zélande, rencontrait à 25 ans un succès mondial avec la pièce de théâtre Ladies Night, dont l’adaptation filmique non autorisée, The Full Monty, fut un triomphe planétaire. De même, les quatre premiers romans de McCarten ont tous rencontré un excellent accueil tant des critiques que du public. L’adaptation de Superhero par Ian FitzGibbon, d’après un scénario de l’auteur, sera dès le 12 juillet dans les salles.
L’histoire de son premier roman, Spinners, est très prometteuse: trois jeunes filles innocentes tombent tout d’un coup enceintes. Les extraterrestres en sont responsables, assurent-elles. Ce qui apparaît initialement comme un récit de science-fiction se transforme par la suite en une intrigue complexe, qu’Anthony McCarten développe avec un flegme provocant. Le décor, une petite ville, dicte ce rythme tranquille. Y vivent un policier et sa pipelette de femme, un coiffeur, ainsi qu’un prêtre infiniment suspect.
Au Festival, Anthony McCarten présentera non seulement ce livre, mais aussi la suite de Superhero, encore inédite dans les contrées germanophones. Elle paraîtra en août prochain sous le titre Ganz normale Helden (des héros très normaux). Et Jeff est en effet un héros très normal: starifié sur Internet, il y gagne beaucoup d’argent et peut combattre les fantômes qui le hantent: l’école, les filles et la mort de son frère. Le père de Jeff, qui ne veut pas perdre un autre fils, se connecte pour lui à ce monde inconnu des possibilités infinies. Ce qui l’aidera à comprendre ce qui est vraiment important dans le vrai, dans le vieux monde.
Mort d'un superhéros. Roman. Traduit de l’anglais par Oristelle Bonis. Jacqueline Chambon 2008
Ganz normale Helden. Roman Traduit de l’anglais par Manfred Allié. Diogenes Verlag. À paraître le 28.8.2012
Liebe am Ende der Welt. Roman. Traduit de l’anglais par Manfred Allié. Diogenes Verlag 2011
Englischer Harem. Roman. Traduit de l’anglais par Manfred Allié. Diogenes Verlag 2009
Abdelwahab Meddeb
Abdelwahab Meddeb est l’un des écrivains français d’origine arabe les plus marquants. Né en 1946 à Tunis, il est originaire d’une famille de théologiens et d’érudits. Il vit aujourd’hui à Paris, où il exerce comme professeur d’université en plus de ses activités littéraires de poète et d’essayiste. Il est également éditeur de la revue interculturelle Dédale. Après des études de littérature et d’histoire de l’art, Meddeb a travaillé dans une maison d’édition, où il avait sa propre collection littéraire; depuis le début des années 90, il a en outre été professeur invité dans les universités de Genève, Florence, Paris, Berlin et Yale.
Dans son œuvre littéraire comme dans son œuvre scientifique, Abdelwahhab Meddeb ne cesse d’interroger les racines et l’histoire de l’Islam, sa littérature, sa culture et l’intégration problématique de sa pensée dans le processus de la modernité.
Le recueil Ibn Arabis Grab (Le tombeau d’Ibn Arabi) contient, à côté de poèmes en prose française, des adaptations en arabe et en allemand. Dans son livre La maladie de l’Islam, il tente une analyse très précise de l’Islam contemporain. Medded y établit, d’une part, un contraste entre la tradition poétique des libres penseurs et des mystiques du Moyen âge, et les traditions militantes des dogmatiques et des fanatiques. D’une autre part, il critique la vision un peu simpliste de l’Occident, qui voit en l’Islam le symbole de l’ennemi suprême. Meddeb souligne par ailleurs la nécessité d’une connaissance aiguë de la tradition. Des écrivains comme Ibn Arabi, Dante et Yehuda Halevi sont pour lui des précurseurs d’une pensée plus humaniste, aux philosophies complémentaires plutôt que rivales. (voir Tanger Trance)
Zwischen Europa und Islam. 115 Gegenpredigten. Wunderhorn 2007
Ibn arabis Grab. Poèmes. Français, arabe, allemand. Wunderhorn 2004
Die Krankheit des Islam. Wunderhorn 2002
Kerstin Preiwuß
Kerstin Preiwuß, née en 1980 à Lübz, a grandi à Plau am See et à Rostock. Elle a étudié la littérature allemande, la philosophie et la psychologie à Leipzig et Aix-en-Provence, avant de passer par l’Institut littéraire de Leipzig. Elle vit aujourd’hui à Leipzig en tant qu’auteure et éditrice du magazine littéraire Edit. En 2006, elle publiait son premier recueil de poèmes, nachricht von neuen sternen. À Loèche-les-Bains elle présentera cette année Rede, un recueil ou plutôt un long poème présenté en 13 parties.
La mort de quelqu’un n’est pas seulement violente pour lui, mais aussi pour ceux qui restent. Pour apprivoiser cette souffrance, il faut la transposer dans la langue. Pour ce faire, les poèmes de Kerstin Preiwuß mettent en mouvement un domaine situé en deçà du seuil de conscience. Finalement, ce sont les morts qui montrent le chemin pour regagner le monde tel qu’il était avant le bouleversement et tel qu’il sera après lui.
Le journal Der Freitag place Rede de Kerstin Preiwuß dans la tradition de Paul Celan, et ce «notamment en raison de ses métaphores glacières et montagneuses.» L’œuvre de Celan n’est qu’une œuvre parmi toutes celles que Preiwuß intègre de manière vivante et fructueuse dans ses poèmes.
La voix lyrique de Kerstin est forte et singulière, et montre dans chacune de ses fibres la confiance de l’auteure en la langue elle-même – elle qui écrivait dans un essai en 2010 qu’«on ne peut pas douter de la langue, la langue est toujours la première et la dernière chose valable, elle est tout à la fois le filet, la corde et le balancier.»
Rede. Gedichte. Suhrkamp 2012
nachricht von neuen sternen. Gedichte. Connewitzer Verlagsbuchhandlung 2006
Ursula Timea Rossel
«L’auteur, qui a plutôt tendance à ne pas lire, ne peut jamais qu’écrire la moitié du livre; il est celui qui laisse l’autre moitié en jachère. Cher lecteur, tu es celui qui lit l’autre moitié. À toi de décider comment tu le fais.» C’est par ces mots qu’Ursula Timea Rossel nous accueille, lecteurs et lectrices, mais aussi les très estimés non-lecteurs, en nous laissant à tous le choix d’être entraîné dans une aventure hors du temps et de l’espace, et de considérer soit que tout est vrai, soit que tout est dû à la magie de l’illusion.
Wigand Behaim est cartographe dans l’âme, et il s’est donné comme tâche de cartographier avec minutie la terre entière. Une manière pour lui de contrer sa peur originelle de se perdre. Et c’est pour cela qu’il se bat avec des problèmes d’espace, bien que cela soit plus souvent le temps qui rende les cartes inutilisables. Sibylle Blauwelsch, elle, craint les retards et est sans cesse éperonnée par le temps et par de nouvelles vies. Que ce soit en guerillera dans la jungle d’Amérique centrale, comme éleveuse de chameaux de course dans un désert arabe ou comme chasseuse de lions des neiges, elle a toujours la certitude que sa nouvelle vie surpassera encore l’ancienne. Pourquoi Wigand dessine-t-il des cartes en ayant tout de même peur de se perdre? Pourquoi Sybille rattrape-t-elle le temps par derrière si elle passe sa vie à lui courir après? Et que fait le chat de Schrödinger entre tous ces espaces temps? Ce magnifique livre renvoie à notre passé de voyageurs en radeau, à notre sympathie pour les aventures et les croisières, à notre amour pour les cartes et les voyages.
Ursula Timea Rossel, née en 1975 à Thoune, établie aujourd’hui dans le Canton de Vaud, nous surprend avec un premier roman fantastique et grandiose.
Man nehme Silber und Knoblauch, Erde und Salz. Roman. Bilgerverlag 2011
Franz Schuh
En Autriche, Franz Schuh est adulé comme seuls le sont habituellement les sportifs ou les têtes de hit-parade. Ce penseur et essayiste est capable d’appliquer des schémas de pensée complexes au quotidien le plus banal, et de les expliquer de manière à ce que chacun les comprenne aisément.
Son livre paru l’automne passé est une immense déclaration d’amour à la littérature. Indépendamment des modes et des genres, il juxtapose des nouvelles, des poèmes et des essais, qui tous s’attachent à la question du jugement moral et à la difficulté de déterminer le «bien». Dans un essai sur Thomas Mann et Robert Musil, par exemple, ce sont les rapports de grandeur qui sont analysés.
Schuh a vu des Krückenkaktus (une espèce de cactus dite «handicapée») à l’Hopital Général de Vienne. Il y a trouvé le symbole des aptitudes pratiques des êtres humains; mais aussi des parallèles avec son propre travail. Dans les histoires de Schuh, qui est certainement l’un des penseurs les plus lucides de notre époque, l’on trouve de grandes pensées, de petites observations et des thèmes éternels. Rien n’est trop élevé ni trop trivial pour son regard universel, sous lequel tout devient objet de réflexion et de recherche. Le très ordinaire comme le très exceptionnel sont pour lui matière à s’étonner, à penser. Franz Schuh détient «une force d’écriture aussi impitoyable que celle du meilleur d’Ernst Jandl» (NZZ)
À Loèche-les-Bains, il lira pour la première fois des extraits de son tout nouveau roman, à paraître en juillet.
Der Krückenkaktus. Erinnerungen an die Liebe, die Kunst und den Tod. Zsolnay 2011
Memoiren. Ein Interview gegen mich selbst. Zsolnay 2008
Monique Schwitter
Monique Schwitter, née en 1972 à Zurich, vit depuis 2005 à Hambourg. Elle a étudié la mise en scène et le métier de comédienne à Salzbourg, a joué entre autres lieux dans les théâtres de Zurich, Francfort, Graz et Hambourg, et elle vit aujourd’hui de sa plume. Grande défenseuse de la mémoire, ses écrits sont un combat contre l’oubli nonchalant dans lequel trop de gens jettent leur vie – au lieu de s’aider de la force du souvenir pour la chercher et la retrouver, si jamais ils en avaient perdu une partie (ce qui arrive souvent).
Dans son nouveau recueil de nouvelles Goldfischgedächtnis (Une mémoire de poisson rouge), le grotesque domine. Et si tout d’abord ces petites histoires n’ont l’air de rien, leurs situations apparemment anodines prennent très vite une tournure catastrophique et dérangeante. C’est ainsi presque en passant que Monique Schwitters aborde les grands thèmes qui marquent notre vie: il est question de relations et d’amitié, d’adieux, de nouveaux départs, et surtout du pouvoir salvateur de l’imagination. Et sans cesse revient en toile de fond le lien entre l’oubli, le souvenir et la vie. En lisant ces textes parfois très courts, écrits dans une langue forte et poétique, on pense plus d’une fois aux récits de personnes ayant perdu la mémoire, et avec elle une grande partie de leur identité. Parmi les personnages de Monique Schwitter, beaucoup nous paraissent étrangement familiers.
Goldfischgedächtnis. Nouvelles. Droschl Verlag 2011
Ohren haben keine Lider. Roman. Residenz Verlag 2008
Wenn´s schneit beim Krokodil. Nouvelles. Droschl Verlag 2005
Girgis Shoukry
Peut-être les origines koptes de l’égyptien Girgis Shoukry transparaissent-elles dans sa poésie. Marquée par une langue puissante et élégante, l’œuvre ardente du poète parvient sans cesse à recréer le réel.
Né en 1967 à Sohag, Shoukry gagne sa vie comme critique d’art et de théâtre pour la radio et des magazines télévisuels, et participe en outre à la série Aswaat adadiyya (voix littéraires). On situe le poète, qui vit au Caire depuis une quinzaine d’années, parmi les auteurs de la génération des années 90 – qui se différencie de celle des auteurs des années 60, autrefois avant-gardistes et politisés, aujourd’hui établis et presque «rangés». Shoukry a publié depuis 1996 plusieurs recueils de poèmes, qui lui ont rapidement valu une réputation d‘anticonformiste.
Le poète se préoccupe directement du quotidien; et la plupart du temps, il n’écrit plus en haut-arabe mais en dialecte, car il désire détourner la convention littéraire. «Mes poèmes doivent ressembler aux gens dans la rue», dit-il. Girgis Shoukry voudrait libérer la poésie de sa tour d’ivoire, et ouvrir au lecteur de nouvelles perspectives sur le monde. Comme de nombreux écrivains de sa génération en Egypte, Shoukry s’intéresse dans ses poèmes moins au général qu’au particulier. Sa poésie, mélancolique ou laconique, aiguise le regard de celui qui la lit sur les fissures de la normalité, et révèle la grande solitude de la vie humaine.
Und die Hände auf Urlaub. Poèmes en arabe et allemand. Traduit de l’arabe par Leila Chammaa. Verlag Hans Schiler 2007
Was von uns übrig bleibt, interessiert niemanden. Poèmes en arabe et allemand. Traduit de l’arabe par Suleman Taufiq. Sabon Verlag 2004
Christoph Simon
Christoph Simon, né en 1972 à Langnau en Emmental, vit et travaille depuis plusieurs années à Berne. Avec Urs Mannhart et Lorenz Langenegger, il forme le groupe littéraire «Die Autören».
Dix ans après son premier roman culte Franz oder Warum Antilopen nebeneinander laufen (Franz ou pourquoi les antilopes courent les unes à côté des autres), Christoph Simon a écrit un superbe livre sur le thème très littéraire de la promenade. Avec ce quatrième roman Spaziergänger Zbinden, Christoph Simon trouve un nouveau ton et ose aborder de grands thèmes. Qui est déjà descendu les escaliers avec un vieil homme fragile sait que cela peut durer très, très longtemps. Lukas Zbinden, 87 ans, le personnage principal du roman de Christoph Simon, a même le temps de tout raconter au civiliste Kâzim qui l’accompagne. Tout sur l’amour de sa vie, Emilie, et sur sa plus grande passion, la promenade. «Spaziergänger Zbinden» est un roman calme, raffiné; pas de ceux que l’on dévore mais plutôt de ceux que l’on parcourt tranquillement – en promeneur, précisément.
Très différent et pourtant très typique du jeune auteur également, le nouveau livre de Christoph Simon est drôle. Viel Gutes zum kleinen Preis (Beaucoup de bon à petit prix) rassemble diverses questions (comment soigner de bonnes relations haineuses, ou encore, comment rendre les perruches résistantes à l’hiver) et les mêle au conte (celui du poète et de la libraire, par exemple), pour établir un catalogue de questions philosophiques pertinentes qui aurait sans doute réjoui Max Frisch lui-même.
Cette année, se rassembleront autour de Christoph Simon des traducteurs venus de six pays différents pour discuter de leur travail sur Spaziergänger Zbinden. (voir Colloque de traduction)
Viel Gutes zum kleinen Preis. Ein Sammelsurium. Bilger Verlag 2011
Spaziergänger Zbinden. Roman. Bilger Verlag 2010
Planet Obrist. Roman. Bilger Verlag 2005
Edward St. Aubyn
Edward St. Aubyn est né en 1960 dans l’une des familles les plus connues de la noblesse anglaise, et il a passé son enfance en Angleterre et dans le sud de la France. Père de deux enfants, il vit dans le quartier de Notting Hill à Londres. Il a suivi des cours à la Westminster School, une école pour garçons très réputée en Angleterre, et au collège Keble de l’université d’Oxford.
Ses romans prennent pour cadre la classe supérieure anglaise dont St. Aubyn est originaire. Récemment paru en allemand, le roman «Zu guter Letzt» («At Last» en version originale, paru en français en 2011 sous le titre de «Enfin») complète le cycle Melrose tournant autour du personnage de Patrick Melrose.
Le premier livre de la série, Peu importe, est paru en anglais il y a vingt ans; il fut suivi de Mauvaises nouvelles et de Après tout, formant une première trilogie sur les années Thatcher, qui fut par la suite complétée par Le Goût de la mère et Enfin.
Edward St. Aubyn ne cache pas que l’écriture est pour lui une manière de composer avec une enfance marquée par la violence. Dans une interview accordée à l’hebdomadaire Die Zeit, l’auteur déclarait: «Je voulais que ce qui a été sans aucun doute une expérience douloureuse puisse se transformer en une aventure littéraire plaisante. Ce qui compte pour moi c’est le plaisir du texte, et pas de torturer mon lecteur!»
Les snobs, les buveurs, les pédophiles, les idiots, les tyrans et les drogués qui peuplent les livres de Edward St-Aubyn sont à la fois nos contemporains et effrayants d’intemporalité. Avec un sarcasme mordant, l’auteur réjouit ses lecteurs, de cette «aventure littéraire» qu’il met en place dans tous ses récits – comme lorsqu’il fait déclarer à son personnage Patrick Melrose sur la tombe de sa mère: «La mort de ma mère est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée depuis… depuis la mort de mon père en fait.»
Enfin. Roman. Traduit de l’anglais par Anne Damour. Christian Bourgois. 2011
Le Goût de la mère. Roman. Traduit de l’anglais par Anne Damour. Christian Bourgois 2007
Zu guter Letzt. Roman. Traduit de l’anglais Sabine Hübner. Piper Verlag 2011
Muttermilch. Roman. Traduit de l’anglais Dirk van Gunsteren. DuMont Verlag 2009
Ausweg. Roman. Traduit de l’anglais Dirk van Gunsteren. DuMont Verlag 2010 (ne fait pas partie du cycle «Melrose»)
Ilija Trojanow
Ilija Trojanow est né en 1965 à Sofia. En 1971, il s’exile avec sa famille et passe par la Yougoslavie, l’Italie et l’Allemagne, où il obtient le droit d’asile. En 1972, la famille se rend au Kenya et s’y installe. Ilija Trojanow passe son baccalauréat à Nairobi, avant d’émigrer encore vers Paris, puis d’étudier à Munich. En 1989, il y crée la maison d’édition Kyrill-und-Method-Verlag, et plus tard le Marino-Verlag, spécialisé en littérature africaine. Dix ans plus tard, il repart à Mumbai, en Inde, s’établit ensuite quelques années à Cape Town, et enfin à Vienne où il vit encore aujourd’hui. Ses livres sont traduits en plus de 17 langues.
De voyages réels et intérieurs, il en est aussi question dans son roman Der Weltensammler (Le collectionneur de monde). Sorte de biographie de Sir Richard Burtons, ce livre est plus encore qu’un formidable roman d’aventure. Trojanow s’y révèle être un excellent conteur, un romancier séduisant et un très bon essayiste.
La foi inébranlable de l’auteur en la force du récit se manifeste également dans son dernier roman Eistau (Fonte des glaces, pas encore paru en français), qui raconte l’histoire d’un homme qui part se battre contre la fonte des glaciers. La NZZ résume l’ouvrage en ces mots: «Les livres précédents de Ilija Trojanow ont démontré qu’il voyait l’écrivain comme un penseur, un passeur, mais aussi comme un éclaireur, dans tous les sens du terme. Trojanow s’empare de sujets de société pour produire des textes – essais ou fiction, qu’importe – intelligents, mûrs, et précis comme de véritables sismographes de notre explosif présent.»
La littérature africaine accompagne depuis toujours Ilija Trojanow, qui ne cesse de s’engager pour lui faire reconnaître la place qui lui revient au sein de la littérature mondiale. À Loèche-les-Bains, il sera accompagné de Chika Unigwe et Chirikure Chirikure.
Un voyage mystique. Traduit de l’allemand par Dominique Venard. Buchet/Chastel 2010
Le collectionneur de monde. Roman. Traduit de l’allemand par Dominique Venard. Buchet/Chastel 2008
EisTau. Roman. Hanser 2011
Der Weltensammler. Roman. Hanser 2006
Die Welt ist gross und Rettung lauert überall. Roman. DTV 1999
Chika Unigwe
Chika Unigwe est née en 1974 au Nigeria, elle vit en Belgique et écrit en néerlandais. En 2009, elle a publié un roman intitulé Sœurs noires (inédit en français), son premier livre à paraître en allemand. Celui-ci qui raconte l’histoire de quatre femmes nigériennes qui, attirées par les promesses de prospérité, émigrent à Antwerpen et s’y prostituent. L’auteure et chercheuse littéraire s’empare ainsi du thème de société, encore très souvent tabou, qu’est la prostitution des Africaines en Europe.
C’est presque de manière documentaire que Chika Unigwe, forte d’une langue claire et d’une grande habileté dramaturgique, dépeint les rêves brisés, les échecs, et les espoirs de ces quatre femmes. Immigrées en Europe pour offrir à leur famille une vie meilleure, elles paient cher leur sacrifice; l’une d’elle en perdra même la vie.
Avec ce roman, Chika Unigwe réalise un livre facile à lire sur un thème important. Elle montre d’une part comme l’absence de perspectives pour les femmes africaines les pousse à franchir consciemment le pas vers la prostitution, et décrit d’autre part la pression qu’exercent les familles restées en Afrique sur les membres vivant à l’étranger pour qu’ils envoient de l’argent. Les besoins et les désirs de ces familles augmentent tant et si bien qu’ils ne peuvent plus être satisfaits par les manières conventionnelles de gagner de l’argent – ou seulement au prix de grands dévouements. Personne au pays ne s’intéresse à la manière dont l’argent envoyé là-bas doit être gagné ici.
Schwarze Schwestern. Roman. Traduit du flamand par Ira Wilhelm. Tropen Verlag 2010
Florian Vetsch
Florian Vetsch, né en 1960, ne s’est pas seulement fait un nom comme éditeur (du PLOOG-TANKERS, par exemple) ou comme essayiste et traducteur; il est aussi poète. Il le prouvait en 2002 avec la sortie de son premier recueil, paru chez Rohstoff Verlag sous le titre de Die Feuertränke.
En 2004, en collaboration avec Boris Kerenski, Florian Vetsch a par ailleurs publié un ouvrage impressionnant, Tanger Telegramm. Tanger, la ville la plus légendaire du Maroc, ce melting-pot de cultures et de religions, à laquelle la présence d’oppositions extrêmes confère un charme tout particulier, était autrefois le repère d’aventuriers, d’excentriques et de rebelles. Elle a ainsi attiré de nombreux poètes et écrivains – parmi lesquels Gertrude Stein, Tennessee Williams, Paul Bowles et William S. Burroughs. Tanger est un lieu fourmillant d’histoires aussi bizarres et colorées, aussi insaisissables et mystérieuses que la ville elle-même.
L’année dernière est sorti un autre ouvrage sur Tanger: Tanger-Trance. Un livre d’images féroce, que Florian Vetsch a composé avec la photographe Amsel, et qui donne à voir le Tanger contemporain. Les interactions entre le texte de Florian Vertsch, la préface d’Abdelwahab Meddeb et les photographies d’Amsel en font une œuvre singulière et saisissante. (voir Tanger Trance)
Florian Vertsch vit à St-Gall avec sa famille et travaille comme éditeur, écrivain, traducteur et enseignant.
Tanger Trance. Photos: Amsel. Textes: Florian Vetsch. Avec une préface de Abdelwahab Meddeb. Langues: allemand, français, anglais, arabe. Benteli Verlag 2010
Round & Round & Round. Hadayatullah Hübsch und Florian Vetsch. Poèmes. Songdog Verlag 2011
Tanger Telegramm. Reise durch die Literaturen einer legendären marokkanischen Stadt. Hrsg. zusammen mit Boris Kerenski. Bilgerverlag 2004. actuellement épuisé, réédition prévue.
Liao Yiwu
Liao Yiwu est né en 1958 dans la province de Sechuan, à l’ouest de la Chine. Il se positionna dans les années quatre-vingt comme l’un des poètes d’avant-garde les plus importants de Chine. Un grand nombre de ses poèmes ont été publiés dans des périodiques clandestins et dans des anthologies underground. Grâce à sa renommée grandissante, il put peu à peu être publié dans des revues littéraires officielles. Pourtant, en 1987, à la sortie de sa grande Epos si cheng (ville de la mort en français) où se lit une critique de la révolution culturelle, Yiwu fut victime d’une campagne politique, mais il refusa de s’autocensurer et de renoncer à l’écriture. En 1989, des écrits critiques paraissaient de nouveau dans des revues officielles. Lorsque Liao Yiwu se mit ensuite à écrire des poèmes à travers lesquels il décrivait la répression des mouvements démocratiques suite au massacre de la place Tian’anmen, il n’échappa plus à quatre ans d’enfermement, lors desquels il subit de graves maltraitances. En 1994, sous la pression de la scène internationale, il sera libéré cinquante jours avant la fin de sa peine.
Ses amis et sa famille s’étant détournés de lui, il commença alors à gagner son existence comme musicien de rue et accepta des petits boulots en tout genre. Ses tentatives de publier en Chine restèrent sans succès. Dans cette marginalité forcée, il trouva une nouvelle forme d’écriture, et ses expériences donnèrent lieu à son livre Mademoiselle Hallo et l’empereur des paysans: La société chinoise depuis le bas (inédit en français). Paru aux États-Unis et en Europe, maintes fois récompensé par des prix littéraires et des droits humains, ce livre reçut un tel écho qu’il propulsa Liao Yiwu parmi les auteurs chinois les plus connus d’Europe.
Aujourd’hui Liao Yiwu vit à Berlin, où il est cette année hôte de la DAAD.
Quand la terre s'est ouverte au Sishuan: Journal d'une tragédie. Traduit du chinois par Marie Holzman et Marc Raimbourg. Buchet/Chastel 2010
Für ein Lied und hundert Lieder. Aus dem Chinesischen von Hans Peter Hoffmann. S. Fischer Verlag 2011
Fräulein Hallo und der Bauernkaiser: Chinas Gesellschaft von unten. Aus dem Chinesischen von Hans Peter Hoffmann und Brigitte Höhenrieder. S. Fischer Verlag 2009